
Voici la suite de l'extrait de son livre « Le suicide français » lorsque qu'il évoque le chanteur Daniel Balavoine.
Daniel Balavoine n'avait aucune illusion sur son art mineur : « Soyons sérieux, la chanson, c'est un poème raté sur une symphonie ratée. Nous ne sommes que des Beethoven et des Baudelaire ratés. » Il comptait arrêter la chanson à 40 ans. Après, il ferait de la politique. En Mai 68, à 16 ans, il rédigeait déjà avec ses camarades un petit livre blanc sur la réforme de l'enseignement. Il rêvait de devenir député. Il a fait mieux. Il a conduit un combat politique au sens gramscien du terme ; il a forgé les esprits, a vaincu culturellement. Le militant adolescent n'a jamais cessé d'être militant et adolescent. C'est la grande force de la gauche que d'envahir jusqu'à la dominer la sphère culturelle, pour capter, endoctriner l'esprit public.
En 1980, Balavoine crève l'écran du journal télévisé en interpellant François Mitterrand « sur le désespoir des jeunes qui peut les pousser au terrorisme ». À l'époque, il arrive à des répétitions avec un long manteau noir et un livre sous le bras, consacré à la bande à Baader. C'était un fils de la bourgeoisie provinciale. Un pionnier de ceux qu'on appellera plus tard les « bobos ». Leur père spirituel. Leur maître à chanter. Un « rebellocrate » de première main. Il en avait tous les stigmates. Invité de l'émission « 7 sur 7 » en 1983, il déclare : « Je voudrais dire devant tout le monde que j'emmerde les anciens combattants et que les jours de commémoration qu'il y a pour les anciennes guerres, on ferait mieux, ces jours-là, de manifester pour les guerres qu'il y a actuellement. » Son dernier grand succès fut en 1985 sa chanson « L'Aziza » (« la belle » en arabe), dédiée à sa compagne, juive marocaine. Il transforme sa déclaration d'amour en ode antiraciste au mépris des lois et des frontières : L'Aziza ton étoile jaune c'est ta peau Ne la porte pas comme on porte un fardeau Ta force c'est ton droit [...] Si tu crois que ta vie est là Il n'y a pas de loi contre ça .
Immigrationniste cohérent et convaincu, il rêvait de faire de « Paris, la capitale de l'Afrique ». « L'Aziza » reçut bien évidemment le prix SOS racisme. Balavoine commente lui-même : « C'est encore une chanson d'amour. L'amour d'une race. J'ai une gonzesse qui est juive marocaine et j'aime ça... J'aime son aspect physique, la couleur de ses cheveux... J'ai profité de cette histoire d'amour pour communiquer cette idée qu'on aime les peuples ou on ne les aime pas. On ne peut pas dire : j'aime les Arabes mais quand ils sont chez eux. » Son ami Michel Berger chantait à la même époque d'une voix fluette : Je veux chanter pour ceux Qui sont loin de chez eux, Et qui ont dans leurs yeux, Quelque chose qui fait mal . Cette xénophilie militante et exaltée, cette passion de l'Autre vu comme un héros, mythifié parce qu'il souffre, se conjugue ainsi avec la traditionnelle frustration féminine de l'attente et de l'oubli de soi.
Balavoine mourra, au début de l'année 1986, alors qu'il survole dans un hélicoptère le désert africain, pour installer des pompes à eau au Niger. Il avait découvert l'Afrique, ses habitants, sa misère, grâce au Paris-Dakar. Fou de vitesse, il avait eu envie de s'arrêter. C'était un homme-enfant qui portait un petit Snoopy d'or au cou pour le protéger. Les hommes enfants enfantent, livrent des batailles pour leur progéniture, et attendent, les yeux embués, le héros venu du désert qui leur fera découvrir l'amour et les rendra femme.
Nous avons déjà évoqué Éric Zemmour en Octobre 2014 sous le titre « Éric Zemmour a une dent contre Balavoine & Coluche »
Lien : http://balamed.skyrock.com/3235258479-Eric-Zemmour-a-une-dent-contre-Balavoine-&-Coluche.html
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