
Le repos éternel de nos morts mérite le respect de notre ville (San Juan, 2011) - Voir Photo
Sabine, Balavoine... Au fil des ans, leur empreinte s'efface dans le sable mouvant. Tous les cris, les SOS n'y changent rien. Il n'y a plus grand monde aujourd'hui sur le rallye à avoir connu l'époque dorée de l'épreuve dans les années 80 et jouer les Vendeurs de larmes. Au sein du staff d'ASO, l'organisateur du Dakar, il n'en reste même qu'un pour faire le trait d'union entre les âges et les continents et entendre encore clairement les SOS d'un terrien en détresse ou Ne me laisse pas m'en aller:
Roger Kalmanovitz, 68 ans, l'homme de l'ombre et des missions délicates depuis 33 ans. "Pour moi, le Dakar a écrit trois livres, m'expliquait-il. Le premier, jusqu'en 1986, s'intitule Thierry Sabine. Le second Gilbert Sabine (NDLR: son père), ASO et la continuité. Le troisième s'appelle l'Amérique du Sud." Loin de l'Afrique, loin des yeux de l'Occident, loin du coeur... Où l'on vient capter des ondes venues d'un autre monde. "C'est vrai qu'en Argentine et au Chili ce n'est plus pareil. Il y a pourtant quelque chose de Thierry Sabine dans ce Dakar, poursuit Kalmanovitz.
En juin 1985, à la Porte de Versailles, devant la presse et des invités, il présentait son projet de Transaméricaine. C'est à dire qu'il avait déjà jeté les bases d'un Dakar en Amérique du Sud." Ces petits riens qui n'en sont pas. Kalmanovitz garde de Balavoine le souvenir de son 33e anniversaire, le 5 février 1985. "Il m'avait fait l'honneur de m'inviter et je pensais passer la soirée dans une boîte de nuit pleine de people, se souvient-il. Finalement, je me suis retrouvé chez lui, avec Thierry Sabine, sa femme Suzanne, Daniel, son épouse "l'Aziza" et leur bébé. Tout simplement. C'était un grand moment." Mais que restera-t-il des disparus du 14 janvier 1986 dans cinq ans ? Sans doute quelque chose entre la porte est close et c'est fini...
MÉMOIRE DE ROGER KALMANOVITZ :
Roger Kalmanovitz y a tout fait, de la logistique au chronométrage, en passant par le ravitaillement en carburant. Et s'est vite spécialisé, comme assureur, sur la sécurité en organisant le dispositif médical. «1983 fut un tournant dans ma vie. Thierry Sabine m'a confié la négociation des contacts africains. Je suis tombé amoureux de l'Afrique. J'ai rencontré Sékou Touré, des personnages immenses, quelles que soient leur ethnie, idéologie voire leur absence de démocratie.»
Quand Thierry Sabine meurt, en 1986, son père, Gilbert, reconduit Roger Kalmanovitz dans ses fonctions. Jean-Claude Killy, président d'ASO, aussi, avec chaque fois plus d'attributions. «Je partage le bureau d'Auriol à Issy-les-Moulineaux. Je suis consultant pour l'ensemble du groupe. Jean-Marie Leblanc m'a confié les démarches pour le Tour du Faso ou celui du Qatar. ASO fait aussi dans le golf. Si je rencontre André Azoulay, consultant du roi, pour le Dakar, je peux lui parler aussi des projets du groupe dans le golf au Maroc.»
Roger Kalmanovitz ne sait pas pourquoi le Dakar marche encore : «Cela ne fait plus rêver.» A moins que les dangers géopolitiques qui ont rendu l'Afrique moins ouverte depuis dix ans n'aient aidé à renouer avec l'aventure. Risque d'attentats du GIA algérien comme en 2000, guérilla touarègue ou conflit sahraoui, ces données ont bouleversé les parcours, obligeant à un pont aérien en 2000. «En 1991, au nord du Mali, on a eu un concurrent mort par balle. Le Quai d'Orsay s'est intéressé de plus près au Dakar. On bénéficie désormais de leurs analyses.»
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