
Sa façon d'entrer en scène, d'abord, est pour te moins inattendue. France est habillée d'un pantalon noir, de boots et d'une veste rouge. Surprise ! Elle présente au public un cintre d'où retombe une somptueuse robe de scène, constellée de paillettes rouges.
Explication: « Quand on a un rendez-vous comme ça, on a envie d'être la plus belle possible. Je me suis dit : "Je vais me faire dessiner une robe par un grand couturier." Et la robe, je l'ai vue hier. Un beau tissu, je l'ai essayée. Mais je ne me sentais pas très à l'aise dedans. Alors j'ai préféré venir vous voir comme ça, dans mon costume de répétition. Mais comme j'ai payé cette robe une fortune, je vous la montre quand même ! »
Ambiance rock dans la première partie du spectacle, puis atmosphère jazzy acoustique, ponctuée par La Minute de silence. « Quand Michel interprétait cette chanson, il vous demandait de ne pas applaudir. Je vous demande de faire le silence avec cette chanson. » Le public écoute, saisi. Et n'applaudit pas.
Pour la dernière partie du show, France est entourée de vingt-six jeunes de l'association Droit de Cité, créée en 1992 autour du champion de boxe Jean-Pierre Masdoua, pour montrer que les jeunes sont capables de s'exprimer autrement que par la délinquance et le désespoir. « Ils viennent d'un peu toutes les banlieues, de Paris, Lyon , Marseille. Moi. je l'avoue, j'avais besoin de leur enthousiasme, de leur fraîcheur. Je ne les ai pas aidés, ils m'ont aidée.»
Grâce à eux, grâce aussi à l'incroyable ferveur d'un public venu très nombreux, France savoure ses meilleurs moments depuis deux ans. « Je me coule littéralement dans la musique de Michel, elle est à moi, elle est pour moi. On ne fait qu'un. Je suis totalement portée par la musique et les mots. J'ai ce que les chanteurs recherchent toute leur vie, et c'est le bonheur. J'ai vraiment le sentiment d'être le plus proche de ce que je suis. Je n'ai jamais été autant moi. Je suis moi. Et ça c'est extraordinaire ! »
Avant de regagner les coulisses, France interprète l'ultime chanson de son ultime album avec Michel: Jamais partir : Même si tout doit toujours finir bien L'avenir n'a qu'à revenir demain Retenir un peu le plaisir dans nos mains Juste le temps de se souvenir au moins Il ne faudrait Jamais partir.
Août 1994. Deux ans se sont écoulés depuis le drame. Une voiture s'arrête devant la « Grande Baie ». France et les enfants en descendent. C'est la première fois que les pièces, les meubles ne désignent pas cruellement l'absent.
Réapprivoiser ce lien a été une bataille difficile à gagner. Volontaire, France s'est pourtant très vite imposé cette épreuve. Ici, elle a déjà séjourné quelques jours, à Noël. Cela ne s'était pas trop mal passé. La saison, différente, lui permettait de voir le paysage avec des yeux nouveaux. Décembre effaçait le souvenir d'août
Mais le premier été fut terrible. Les images des derniers instants de Michel la hantaient sans cesse. « Vingt-quatre heures sur vingt-quatre, j'y ai pensé, confiait-elle à une journaliste de Marie-Claire. Cela a été atroce, mais je voulais être avec mes enfants pendant six semaines. C'est là qu'ils voulaient aller. Eux n'ont pas vécu les choses dans cet endroit, comme moi. Cela n'est pas lié à des souvenirs précis. »

«Il fallait déjà que je traverse cette période sans m'écrouler et j'étais loin de me douter à quel point cela allait être difficile.» Il fallait tenter de vivre avec ces silences opaques, oublier le bruit de la porte d'entrée, l'écho de son pas léger, sa manière bien à lui de se servir un verre, de s'installer au piano...
Gommer progressivement la peur du lit vide et froid Affronter la penderie, remplie de ses vestes. Oser ouvrir tes tiroirs de son bureau, se résoudre à trier tes papiers. Un jour plus douloureux que les autres, France découvre la raison d'un chagrin de plus.
Une lettre, adressée par le père de Michel à l'un de ses confrères médecin, lui demandant de recevoir son fils, qu'il sait fragile du c½ur... Michel avait sans doute négligemment rangé la lettre. « Si j'en avais eu connaissance, se révolte France, j'aurais pu sauver Michel ! Je l'aurais forcé à se soigner. Mais il ne s'intéressait pas à sa santé. Tout était dans sa tête et dans ses doigts ". »
Supplice de se dire, de se répéter inlassablement : pourquoi n'a-t-il rien dit? Pourquoi ne m'a-t-il pas parlé? J'aurais su, il serait là encore... Près de moi, près des enfants. Vivant ! Pourquoi, mais pourquoi...
En redécouvrant les autres, France glane peu à peu des bribes de réponse à cette question lancinante. Pareille à une fleur longtemps privée d'eau, elle cherche en elle un itinéraire de lumière. « Michel pensait qu'après la mort, il n'y a rien. Comme j'admirais Michel, j'ai beaucoup adopté ses idées, dont celle-là : après la mort, il n'y a rien. Mats penser que Michel, avec toute la beauté qui l'habitait, est dans un cercueil et que tout s'arrête là est une idée qui m'est insupportable. Depuis qu'il a disparu, je suis donc mon propre chemin à travers mes questions. Je me dirige vers un domaine où je n'étais jamais allée et dont l'appel comble sans doute un besoin de réponses. »
France a désormais surmonté sa détresse. Elle peut vivre sans Michel, car elle sent, au plus profond de ses fibres qu'il est avec elle, en elle. Il ne la quitte plus. Il veille sur sa vie et sa carrière. Il l'accompagne sur scène, aussi sûrement que jadis.
Le grand piano blanc n'est pas muet. Pour France seule, il continue à jouer les partitions de leur amour. Un amour de dix-huit ans, qui garde de cet âge la fraîcheur sucrée du premier baiser, le goût de l'aube qui se lève sur le ciel du lit et l'enchantement des promesses éternelles. A chacun de ses pas, France marche dans la lumière. Son ombre, découpée sur le sol, a pris le sourire de Michel.
Visiteur, Posté le mardi 31 mai 2016 04:54
L'article cite France Gall: "se répéter inlassablement: pourquoi n'a-t-il rien dit? Pourquoi ne m'a-t-il pas parlé? J'aurais su, il serait là encore... Près de moi, près des enfants. Vivant ! Pourquoi, mais pourquoi..." (Comment le sait-il ?)
Hors tous ceux qui se sont intéressés à l'histoire de près savent que Michel Berger était sur le point de s'installer avec son nouvel amour (B. Grimm) en Californie (le fait, pour un artiste comme lui, que son piano y soit déjà, étant particulièrement sympabolique) !
France Gall est-elle dans le déni, refusant de faire face à la réalité ?
Ou l'auteur de l'article préfère-t-il romancer plutôt que de raconter ?